Elle

Par: Mohamed El Bouazzaoui (Kassita, Nador)

Elle succombe à une crise hystérique. Elle crache sa colère et son indignation contre un monde fou, crétin et obscurantiste. Elles égrène un chapelet d'injures à l'endroit des ingrats. L'on essaies de la violer, mais elle est impénétrable.

Même si son corps perd du sang, Yettou se montre forte, revigorée, plus belle et mieux éloquente. Elle promène son regard, moquer et malicieux, sur les visages horribles à l'excès. Et chaque sourire ébauché sur ses lèvres est un défi…

Le chef de la bande se lève, dégaine son épée, hurle et donne une dernière chance à Yettou:

«ةcoute bien ma petite, si tu nous montres tes tatouages, tes cuisses, si tu danses devant nous, je t'épargnerais».

Yettou répond par un sourire de refus, le chef devient furieux, frappe de ses pied sur le sol, crie des propos inconsidérés. Yettou demeure impassible comme une statue. Ce chantage ne saurait la tenter. Elle met en péril s            a vie, préfère la mort au fait de devenir un cliché, une carte postale.

On lui détache les mains et les pieds. Mais refuse toujours d'ouvrir sa bouche. Sa langue est à mettre à l'abri, car ses hôtes gardent encore de fins rasoirs dans leurs mains. Ils n'attendent que sauter sur la première occasion.

On l'enferme dans cet endroit puant. On refuse qu'elle mette son pied dehors. On craint qu'elle s'infiltre à l'école. Elle ne manquera pas de molester la quiétude de certaines personnes, Jamila et Henriette. Yettou n'a pas de place à l'école. La gente de cette dernière veut l'engager en tant que bonne, en tant que figure distrayante à même de bigarrer le paysage.

Yettou veut un statut clair, un banc en bonne et due forme. Yettou ne veut parler que sa langue Tamazight. «Vous vous fatiguez pour rien messieurs. Sachez que je suis immortelle, vos épées ne m'effraient pas, ainsi que vos discours. J'assume ce que je dis (Un silence). J'ai entendu dire toute à l'heure par l'un de vous que je n'aurais pas droit de vivre sur cette terre. Bah! Vous me faites sérieusement rire».

Yettou parle interminablement. Son visage s'éclaire d'une lumière qui fuse dans ce lieu d'obscurité. La bande est hypnotisée par la rhétorique de Yettou: «Vous devez revoir, dit-elle, vos connaissances en la matière d'histoire. Vous m'accusez de tous les maux. Le chat du dehors chasse celui de la maison. Insensé. L'ère de Allal est révolue. Vous avez dit nationalisme? Moi même, mon mari, mes enfants ont défendu la dignité de ce pays».

Elle dévoile ses attraits et sa beauté extatique. Ils restent obnubilés par ce qu'ils viennent de voir. Elle parle en tamazight, et ses propos sonnent comme une vérité, pour longtemps méconnue. Elle se lève, franchit des pas, avec assurance, fait sauter les verrous à sa cellule et parvient à se libérer des hommes de la caverne.

Yettou se rend à une fête de baptême. Un enfant de sexe féminin est né. Elle lui incombe de le baptiser. Elle lui donne le prénom de Noumidia. Elle lui fait téter son propre sein, comme pour mieux la vacciner. Les virus pullulent.

L'enfant grandit. L'état civil des ses parents reste vierge. On lui décline ce nom. Yettou affiche un refus catégorique. Elle entoure l'enfant de sa bénédiction. Le rapt n'aura pas lieu.

 

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